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Le monde d’après


 

Nous sommes nombreux à penser, et même un peu rêver au « monde d’après ». D’après la crise sanitaire. Cette crise que nous traversons a mis en avant de nombreux problèmes, de nombreuses situations que nous évoquions, voire dénoncions déjà auparavant. Alors notre espoir c’est que ces questions ne retombent pas dans l’oubli, que les médias de l’immédiat, habiles à manipuler le sensationnel et le sentimentalisme, aujourd’hui au soutien des « soldats » de la lutte anti covid 19, ne retombent dans leurs habitudes du consensus mou. Ah je suis gentil ! Je veux dire qu’elles ne reprennent leurs bonnes habitudes de chiens de garde reproduisant sans état d’âme la voix de son maître et oubliant leurs trémolos.

Oui, c’est vrai qu’aujourd’hui nos « grands journalistes » encensent les « petits métiers » qu’ils ignoraient largement jusque-là comme les caissières, les éboueurs, les aides ménagères et autres intervenantes (quelquefois intervenants sans E) dans les aides à la personne ainsi que les ASH, c’est à dire les personnels non soignants des services hospitaliers et pourtant sans qui l’hôpital ne pourrait pas fonctionner. Ah qu’ils sont beaux ces hommages, ces articles et ces belles chroniques sur les solidarités…

Des idées nous en avons plein et nous nous préparons à nous battre dès que nous le pourrons, c’est-à-dire quand nous pourrons reprendre les chemins des réunions, rencontres, manifestations, protestations, actions d’éducation populaire,… bref de tous nos moyens d’agir.

Mais eux en face ils n’attendent pas : l’urgence sanitaire est bien pratique pour nous obliger à rester isolés grâce au « restez chez vous ». La lèveront-ils, l’urgence, lorsque la crise sera passée, ou du moins que ce problème de santé sera maîtrisé ? La Macronie et toute les autres tendances pour la « liberté de marché », bref pro capitalisme (oh le vilain mot !) aimeront sans doute conserver les déréglementations sur le droit du travail (60 h hebdo, réquisitions, refus du droit de retrait, court-circuitage des représentants du personnel… vous avez le droit d’en rajouter) et donc se donner les moyens de stigmatiser encore un peu plus ceux qui manifestent leurs désaccords, et ainsi reprendre sans faiblir la répression féroce contre les gilets jaunes et le mouvement social, parce que, bien sûr nous n’allons pas « restez chez nous », nous allons reprendre la rue. Répression démesurée, disproportionnée dont l’objectif était de mater toute opposition populaire. Est-ce qu’à cause de la crise, les stocks de grenades offensives et de balles pour flash-ball sont en train de se reconstituer ? Ah tu vois on peut fabriquer français quand on veut et qu’on l’a prévu !

Au niveau médical, les experts et le ministère gardent largement la main en complicité avec l’ordre des médecins (faut-il rappeler qu’il a été créé par Pétain pour organiser par le corps médical lui-même l’exclusion des médecins juifs), nous imposant leurs omissions, leurs vérités scientistes, leurs contre-vérités.

Je ne sais pas si le docteur Raoult a raison, mais les motifs invoqués pour nier la justesse de son action me font gerber. Est-on vraiment en nécessité de réaliser une « étude selon des méthodes scientifiques » alors qu’il semble avoir des résultats. Et qu’il y a urgence. Surtout quand l’étude ne prend pas en compte sa façon d’utiliser la fameuse molécule : traiter des patients en début d’infection avec des doses limitées, mais prévoit une utilisation (qu’il n’a jamais préconisée) sur des malades gravement atteints pour lesquels il laisse entendre que ce n’est plus efficace. Je ne développerai pas ce sujet ici, juste espérer la dissolution de l’ordre des médecins, l’arrêt de la mainmise des laboratoires sur la recherche médicale qui devra être financée correctement par les finances publiques.

Chez mes parents, quand j’étais enfant, il y avait des disques, des vieux 78 tours de jazz, de musique classique ou de chanson française, que j’aimais écouter : le label c’était « La voie de son maître » avec un chien écoutant la musique, le museau planté devant un gramophone.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J’ai l’impression aujourd’hui que ces bandes d’experts et de journalistes qui se disent spécialistes sont comme ce chien, à écouter bêtement de la pire des façons la voix des maîtres pour bien la reproduire, sans le moindre esprit critique, mais en nous intimant l’ordre de les suivre sans discussion, nous et surtout les soignants « de base » dont le savoir vient de leurs pratiques, de nos expériences partagées, mais pas des bancs de la fac (en tous cas pas uniquement) ni surtout des antichambres des labos.

J’aimerai aujourd’hui que nous ne soyons plus prisonniers des soit disant experts qui vont encore nous imposer des traitements chers (mais profitables à l’industrie pharmaceutique !) là où des essais avec des molécules sorties des brevets d’exclusivité (et merde tu veux tuer l’industrie ? Ben peut-être un peu, non, simplement que le Politique la contrôle) prouvent ou pourraient prouver leur efficacité sans peser aussi lourd sur le budget santé.

J’aimerai que nous soyons nombreux à nous mobiliser très vite pour la défense et la reconstruction d’un service public de santé. J’aimerai que les milliers de personnes qui encouragent les soignants tous les soirs à 20 h descendent dans la rue pour défendre le service public, réclamer les créations de postes à l’hôpital, dans les EPHAD, dans les services d’aide à la personne et que la rémunération de tous ces personnels et l’amélioration de leurs conditions de travail soient à la hauteur des remerciements.

La Macronie n’arrête pas de saluer leur dévouement, mais n’a pour l’instant pas traduit sa parole en acte. Les oreilles dans le gramophone, ça n’aide pas à entendre les cris de la foule, ça les protège même de toute parole incongrue, incongrue car ne rentrant pas dans leurs schémas de pensée, leurs dogmes qui sont là pour masquer leur posture de valets des puissances de l’argent. Hypocrisie criminelle !

J’aimerai, oui que nous soyons nombreux à soutenir les revendications des personnels des urgences et de tous les services hospitaliers, plus en tous cas que ce triste jour d’octobre 2019 où nous étions une petite centaine dans les rues de Valence pour soutenir les infirmières de l’hôpital, celles-là même qui avaient fait une vidéo si sympa, chantant un texte toujours d’actualité (je ne la retrouve pas, alors à vous la main).

Je rêve de nous voir tous ensemble réclamant des changements profonds de conditions de travail et de rémunération des caissières, des éboueurs, et de tous ces corps de métiers que nos médias immédiats viennent de découvrir : « Ah ! C’est le bas peuple qui fait tourner la machine ! ». Ces médias qui nous inondent de leurs émerveillements aussi fugaces et éblouissants que des feux d’artifice, de leurs larmes de crocodiles sur les difficiles conditions de ces ignorées (ignorés aussi), qu’elles s’empresseront d’oublier lorsque le temps et les ordres seront venus et que les experts économistes libéraux seront de retour pour nous prêcher la bonne parole ordo-libérale. Les crocodiles mordent, alors ne leur laissons pas le champ libre.

Le problème c’est que la Macronie avec le MEDEF, mais aussi l’opposition de « droite toute » contente de laisser le boulot à l’équipe actuelle, le préparent en cœur, ce monde d’après ! A leur sauce à leur vision du monde, leur devoir de valets des exploiteurs ! Ils (elles) n’attendent pas. Leurs pratiques n’ont pas changé. Nous prendrons sans doute de grandes claques dans la figure lorsque nous découvrirons tout ce qu’ils auront continué à faire et dont les médias toutes occupées à nous tirer les larmes de compassion et d’émotion devant la pandémie et tous ces magnifiques gestes de solidarité, ne nous parlent pas, ne nous parlent plus.

J’avais pris depuis un moment mes distances par rapport à la France Insoumise, mais j’avoue que les interventions et les textes de Mélenchon et d’autres me conviennent dans leurs grandes lignes. Et surtout lorsqu’ils nous disent de ne pas attendre, que c’est dès maintenant, avec les moyens que nous avons qu’il faut travailler au monde d’après.

Déjà être prêts avec des axes d’attaque, de soutien aux mouvements sociaux qui vont revenir. Écrire et faire circuler des textes, pétitions, sur lesquels nous pourrions nous retrouver. Des points partagés, au-delà de nos appartenances ou proximités partisanes.

Je ne suis pas très doué pour ça. Alors je vous propose d’échanger, de dialoguer, de réfléchir ensemble, même à distance. Et puis d’en parler dans nos cercles respectifs.

J’ai écrit ce texte hier premier avril. Non, je n’ai pas pensé à la blague habituelle. Et hier soir puis ce matin deux informations m’interpellent :

Un article de Médiapart nous révèle que Macron a confié à la CDC, la Caisse des Dépôts et Consignations, une étude pour développer le partenariat public privé pour « réformer » l’Hôpital ! Les premiers textes font la part belle à l’initiative privée, mentionnant à peine la notion de service public. Ils ne veulent pas perdre de temps et nous faire avaler cette couleuvre en douce, pendant que nos yeux sont tournés sur la pandémie à combattre. Tout ce que Macron a dit, en soutien aux soignants sur les changements à faire pour soutenir le service public de santé n’était donc que mensonge. Ou bien, enfermé, lui et son équipe dans les dogmes libéraux, il est incapable d’envisager le retour de l’état, c’est-à-dire de l’ensemble de la collectivité comme acteur du bien-être, du partage, de la solidarité. Est-il bête ? Non, donc c’est un fieffé menteur ! Ce sont de fieffés menteurs qui nous préparent des jours sombres.

Arrête Jean-Marc, reste bien chez toi comme ils t’ont dit, calme ta colère, protège toi…de ta colère. Tu verras c’est beau la France à 20h.

Et puis ce matin, j’entends à la radio que les entreprises qui ont annoncé surseoir au versement des dividendes à leurs actionnaires ont vu leurs côtes baisser en bourse ! Allez-y, Macron, Lemaire et Castaner. Faites nous la morale. On vous écoute…

Moi, j’espère que cela ne durera pas trop longtemps. J’étais calme au début de l’écriture de mon texte, mais là j’ai du mal à le rester. Je rage.

J’en arrive à me dire que ce que nous avons pris pour de l’impréparation consécutive aux choix gestionnaires antérieurs est en fait une décision d’accélération de la casse du public qu’ils essayent de nous camoufler par l’écran de fumée de leurs gesticulations désordonnées. Alors ce que nous prenons pour de l’incohérence et que les personnels soignants vivent très durement comme une accumulation d’erreurs et d’incohérence est en fait extrêmement cohérent.

Il va falloir nous débarrasser de cette bande de démolisseurs. Aucun des groupes d’opposition n’est en capacité, seul à présenter une alternative au futur duel Macron-Le Pen. Ni les verts, ni la FI, ni le PCF ou d’autres groupes de gauche ne pourra rivaliser seul sur ce terrain des élections dans l’état actuel des choses. La seule solution c’est d’inventer un autre fonctionnement de nos institutions où la parole pourra être diverse, mais où nous saurons nous entendre et nous écouter. A nous d’inventer de véritables fonctionnements démocratiques. Nos différences entendues et partagées feront notre force.

Voilà ! Ce que je vous ai écrit est critiquable, amendable et modifiable. En ces temps d’isolement il nous reste ce moyen d’échanger et d’avancer. J’espère avoir chatouillé vos neurones. A vous de chatouiller les miens.

Jean-Marc Jourdan

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